GEJ10 Choses vécues dans l'au-delà

Publié le par estaran



GEJ10 C174

Choses vécues dans l'au-delà


1. Le juge demanda alors à son père « Où est donc le lieu où tu séjournes, à quoi ressemble-t-il ? »

2. Le père : « Dans notre royaume, il n'y a aucun lieu dont on puisse dire "Le voici, il est là, il ressemble à ceci, il est fait ainsi !" ; car chez nous, chacun est à soi-même le lieu où il demeure, et l'apparence et la disposition de ce lieu correspond en tout point à la disposition intérieure de l'homme.

3. Selon le calcul terrestre, j'ai déjà passé dans l'au-delà un temps pendant lequel on peut voir et apprendre bien des choses ; mais je n'y ai encore rien vu qui ressemblât tant soit peu à ce que l'on imagine et croit en ce monde. J'ai cherché le fleuve Styx et son passeur Charon sans trouver ni l'un ni l'autre. Pendant un temps, je redoutais fort de rencontrer une Furie ou l'un des trois juges impitoyables du Tartare, Minos, Eaque et Rhadamanthe - mais rien de tout cela ! Voulant chercher l'Elysée, j'ai marché longtemps dans une sorte de grande steppe sablonneuse, mais il n'y avait pas d'Elysée - bref, hors moi-même et le sol fort léger sur lequel je marchais, je ne voyais rien ni personne.

4. Au bout de deux ans peut-être de cette quête - selon le calcul terrestre du temps -, temps pendant lequel j'ai continué à parcourir en tous sens cette steppe sans fin, j'ai enfin aperçu, assez loin de moi, quelqu'un qui semblait se trouver dans un état identique au mien. J'ai marché très vite vers ce quelqu'un et me suis bientôt trouvé près de lui.

5. Arrivé devant lui, je lui dis aussitôt "Il me semble que tu es dans la même situation que moi : sous nos pieds, une plaine de sable apparemment sans fin, au-dessus de nos têtes, une nuée d'un gris plus sombre que clair, et, hors cela, on ne voit rien d'autre que soi-même et la trace de ses pas dans le sable. Aucun vent ne souffle, et il n'y a ni eau, ni aucun autre objet. Cela fait près de deux ans, selon le calcul terrestre, que j'erre dans ce désert de sable sans rien trouver qui puisse me rassasier ni apaiser ma soif, si j'en avais besoin. Je sais bien que j'ai quitté le temporel et que je ne suis qu'une pauvre âme errant dans ce désert, ce qui est déjà fort inquiétant en vérité. Je me suis donné le plus grand mal pour explorer entièrement ce monde qui doit être celui des esprits ou des âmes, et auquel je ne croyais qu'à moitié quand j'étais au monde, mais rien de tout...

6. Tu es le premier semblable à m'apparaître depuis deux ans. Saurais-tu me dire ce qu'il faut faire ici pour trouver enfin un endroit où il soit à peu près possible de vivre? Car je suis las de chercher dans cette immense steppe et n'ai vraiment plus envie de continuer à avancer et à revenir sur mes pas !"

7. L'être en apparence semblable à moi et dans le même état me répondit alors "Ah, mon ami, il y en a une infinité dans ce royaume qui cherchent depuis des siècles la même chose que toi ! Si tu veux trouver quelque chose ici, il ne faut pas t'y prendre comme dans le monde matériel, où l'on ne cherche qu'à l'extérieur de soi. Celui qui fait cela ici ne trouvera jamais rien ! Car, hors de lui, il n'y a ici aucun lieu ni aucun paysage, quand bien même il les chercherait partout dans l'espace infini.

8. Il faut donc que tu rentres en toi-même avec tous tes sens, tes désirs et ta volonté, et que tu cherches, penses et donnes forme en toi-même, et alors seulement, tu trouveras un lieu qui corresponde à ce que tu as pensé, formé et voulu, et à ce que tu aimes ! Aussi, fais comme si tu ne voyais pas ce désert de sable ni le nuage gris au-dessus de toi, retire-toi en imagination dans ton for intérieur, et tout prendra bientôt une autre tournure. Si je t'ai laissé me trouver, c'était pour te dire cela."

9. A ces mots, la personne disparut soudain, me laissant dans ma steppe sablonneuse. Me souvenant de ses paroles, j'entrepris de rentrer en moi même et de penser très fortement, et, en imagination, je me dessinai tant bien que mal une contrée et un village et voici qu'en effet, au bout de très peu de temps, je vis se déployer devant moi ce que j'avais imaginé.

10. C’était une vallée parcourue par un ruisseau, avec à droite et à gauche des prairies, des arbres et des buissons. A quelque distance, j'aperçus aussi un village de huttes basses, et il me sembla que je devais m'approcher de ce village.

11. Cependant, je me disais : "Si je recommence à marcher, je perdrai à nouveau tout ce que je viens de créer à grand-peine ! Je vais plutôt essayer de façonner tout près de moi une hutte semblable, et que j'aurai plaisir à garder pour y demeurer toujours !"

12. J'y pensai, et la hutte fut bientôt là, entourée d'un jardin rempli d'arbres fruitiers, ce qui me satisfaisait pleine ment.

13. Puis j'entrai dans cette hutte, en quelque sorte afin de découvrir en moi même ce qui arriverait ensuite, Comme l'intérieur de la hutte était tout à fait vide, j'entrepris de rentrer encore plus profondément en moi-même pour penser, sur quoi toutes sortes d'objets utiles se mirent à m'apparaître dans cette hutte : chaises, tables, bancs et même un lit de repos, exactement comme je l'avais imaginé.

14. Alors, je pensai encore : "J'ai bien une table, mais il n'y a encore sur elle ni pain, ni vin, ni aucune autre nourriture ! "

15. Dès que je me mis à y penser activement, il y eut sur la table une quantité suffisante de pain et de vin, et à cette vue, sans perdre plus de temps, je pris du pain, puis du vin, car j'avais déjà grand-faim et grand-soif - et voici que j'étais grandement fortifié, et que ma pensée et mon imagination étaient devenues bien plus vives et plus fortes ! »

Publié dans L'AU-DELA

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article